JI-YUN 임지윤
Ayant vécu toute mon enfance dans un hôpital où j’avais tout loisir de déambuler, je me suis habituée à considérer le corps humain comme un objet neutre et inanimé, à le traiter et l’utiliser comme tel dans mes œuvres. Le corps peut par exemple être mis en scène dans son intégralité comme un objet étranger, ou bien j’utilise des membres, des organes, pour recomposer des formes abstraites, des objets hybrides... - Ji Yun - Ce sont les remarquables dessins de l’artiste qui nous aident, comme c’est souvent le cas, à pénétrer dans cette œuvre qui semble se dérober à nous. Certains de ces dessins sont des esquisses préparatoires des dispositifs utilisés pour la production des photographies ou d'installations. Mais beaucoup existent pour eux-mêmes, et permettent une plongée dans l’univers mental de Ji-Yun. On découvre alors un imaginaire dans lequel prolifèrent des corps monstrueux, le plus souvent dépourvus de membres (à l’exception de jambes ou de pieds qui semblent le seul lien de ces êtres étranges avec le monde extérieur). Il n’est pas impossible qu’il faille voir dans ces visions le souvenir laissé par sa fréquentation, dans son enfance, du monde de l’hôpital et des handicapés. Mais quelle qu’en soit la raison, Ji-Yun retrouve et réinvente ce corps sans organes qui hante les dessins et les écrits d’Antonin Artaud, et dont Gilles Deleuze et Félix Guattari ont donné les belles analyses que l’on sait (*). Ce qui nous frappe alors n’est pas tant le caractère grotesque et inquiétant de ces dessins, que leur pouvoir générateur. Ils sont l’envers de la « bonne forme », le lieu où prolifèrent les visions et les énergies les plus profondes. - Régis Durand -